Collaborer avec des spécialistes de la santé, de l’industrie ou encore de l’agriculture pour identifier les outils digitaux dont ils auraient besoin: c’est l’objectif de Jürgen Ehrensberger, à la tête de l’Institut des technologies de l’information et de la com­munication de la Haute école d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD-HES-SO et coordinateur du programme de recherche iNUIT.

TEXTE | Martine Brocard

« Des couches intelligentes à la prédiction des pannes » // www.revuehemispheres.com
© Thierry Parel

Jürgen Ehrensberger et son équipe ont développé des prototypes d’applications afin de rendre la ville intelligente, comme des lampadaires qui s’éteignent tout seuls ou des systèmes d’optimisation de la consommation de l’eau.

Votre objectif est de développer une boîte à outils pour l’internet des objets. Comment faites-vous?
Jürgen Ehrensberger Il faut tout d’abord revenir au concept de base de l’internet des objets. Il consiste, dans notre cas, à doter une ville d’un « système nerveux  » afin de permettre aux éléments qui la composent de communiquer entre eux ou avec une instance centrale. L’exemple classique est celui de la voiture accidentée qui alerte elle-même la police. Mais comment faire? Les objets ne peuvent pas envoyer d’e-mails ou de sms… Nous avons donc réfléchi aux alternatives possibles.

Quelle solution avez-vous trouvée?
JE Nous avons développé une colonne vertébrale comprenant tous les éléments techniques nécessaires à la communication des objets. Il s’agit de mettre au point des capteurs à même de mesurer les données
qui nous intéressent, comme le passage des véhicules ou les niveaux de pollution en ville, puis, dans un deuxième temps, de garantir la transmission sans fil de ces données. Il faut ensuite fournir l’infrastructure cloud. à savoir des ordinateurs destinés à recevoir et stocker ces données et mettre au point les outils indispensables à leur analyse, afin de déterminer par exemple le temps que va prendre la traversée de la ville ou l’impact de la pollution sur la santé. Enfin, il faut assurer la sécurité de toutes ces données.

Comment avez-vous choisi les premières applications à développer?
JE Au début, nous avons surtout travaillé sur les festivals – notamment grâce à notre collaboration avec le Paléo – car ces événements constituent des villes limitées dans le temps et dans l’espace. Mais elles partagent les mêmes problématiques de mobilité, de gestion des déchets ou de consommation d’énergie. Nous ne voulions cependant pas limiter les chercheurs et avons aussi mené des projets touchant à la gestion du bruit ou celle des vélos en libre-service.

Ces applications sont-elles aujourd’hui disponibles pour le grand public?
JE La plupart ne sont pas facilement accessibles. Il s’agissait surtout de prototypes, dans l’idée de développer les infrastructures techniques nécessaires. Certaines ont toutefois été immédiatement adoptées. Comme les lampadaires intelligents qui ont donné lieu à deux projets ambitieux en collaboration avec la Ville de Lausanne, où ils sont actuellement en phase de test.

Vous cherchez maintenant à mettre votre technologie à disposition pour de nouveaux projets….
JE Oui. Nous allons organiser des rencontres avec des spécialistes des domaines de la santé, de l’industrie ou encore de l’agriculture afin d’identifier les outils innovants dont ils auraient besoin. Nous travaillons déjà sur différents projets. Comme un émetteur destiné aux résidents des EMS susceptibles de se perdre en ville, des couches intelligentes jetables qui indiqueraient lorsqu’il est temps de les changer, un système de maintenance prédictive à même de détecter les futures pannes d’une machine, ou encore un système d’optimisation de la consommation d’eau en agriculture.

Vous quittez donc le domaine des festivals…
JE Pas entièrement, car nous discutons d’une collaboration avec la police à l’occasion de la prochaine Fête des vignerons. Il est question d’aider à la gestion du trafic, des parkings et de la sécurité. Cela représente une opportunité fantastique de mettre nos projets à l’épreuve du terrain.


Apéritif connecté dans la ville du futur

Les objets connectés formeront le cœur de la ville de demain. Le programme de recherche iNUIT – Internet of Things for Urban Innovation – est parti de ce constat. Les applications développées dans ce cadre faciliteront la vie des individus de multiples façons. Exemple avec trois amis dans un bar du centre-ville.

Paul, Marie et Jean-Pierre ont rendez-vous dans un bar du centre-ville pour fêter le nouveau poste de Marie dans une étude d’architectes. Celle-ci vient en voiture. Elle utilise SmartPark pour trouver la place libre la plus proche. A son arrivée, les réverbères commencent à s’allumer. Grâce à OpEc, ils ont détecté que la nuit tombait.

Jean-Pierre, qui a perdu l’usage de ses jambes suite à un accident, vient rarement au centre-ville. Il a donc recours à SPAMOR pour identifier l’itinéraire le mieux adapté aux chaises roulantes. En chemin, il passe à côté d’un chantier de construction. Quel bruit! Mais les riverains sont sereins: le volume sonore fait l’objet d’une surveillance grâce à SMP.

Quant à Paul, il est en retard. L’éducateur de la petite enfance a eu une frayeur lorsqu’un enfant de son groupe s’est volatilisé à la place de jeux. Heureusement, le petit a pu être rapidement localisé grâce à son bracelet connecté WEAZARD. Pour rattraper le temps perdu, Paul décide de se rendre à vélo au rendez-vous. Il lance l’application GREEN pour trouver le vélo en libre-service le plus proche.

Après l’apéritif, les trois amis décident de poursuivre la soirée ensemble. Ils consultent alors mCARS qui leur recommande l’activité la plus adaptée à leurs intérêts respectifs, en fonction de l’offre et des conditions météo du moment. Un festival de musique remporte la mise. Comme la manifestation a lieu à la campagne, les trentenaires s’y rendent avec la voiture de Marie. Ils ne craignent pas les problèmes de stationnement, car les organisateurs utilisent CrowdStreams pour anticiper le moment où les parkings les plus proches seront pleins, afin de rediriger les automobilistes ailleurs.

Sur place, Jean-Pierre a un moment d’appréhension. Il redoute de se trouver bloqué. Paul et Marie le rassurent: avec SmartCrowd et CrowdVision, les organisateurs ont appris à décrypter les comportements de la foule, afin d’optimiser la mobilité des festivaliers et leur sécurité physique, notamment en prévenant les mouvements de panique.


ArchSensor

Janvier 2014
Création d’une plateforme matérielle et logicielle pour la mesure de paramètres environnementaux à l’aide d’un réseau distribué de capteurs.

NetCrowd

Janvier 2014
Conception d’une infrastructure de communication sans fil pour l’internet des objets.

Urban Pulse

Octobre 2015
Création d’un système de mesure multimodal du trafic d’une ville.

CiTaTiON

Janvier 2014
Développement d’une infrastructure cloud pour l’internet des objets.

IoTSec

Janvier 2014
Amélioration de la sécurité des systèmes pour l’Internet des objets

iFLUX

Janvier 2015
Facilitation de la création d’applications et de l’orchestration des services développés par les différents projets du programme iNUIT.