Sur les traces de l’héritage pédagogique d’une violoniste // www.revuehemispheres.com

Sur les traces de l’héritage pédagogique d’une violoniste

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Un projet innovant a retracé l’empreinte pédagogique et artistique de Veda Reynolds, en questionnant l’enseignement de ses anciens élèves. Un travail de mémoire en forme d’hommage à l’artiste américaine.

TEXTE | Andrée-Marie Dussault

Reconstituer l’école de la violoniste américaine Veda Reynolds (1922-2000) à travers la pédagogie de ses anciens élèves. Telle était l’idée d’un ambitieux projet mené par la Haute école de Musique de Lausanne – HEMU – HES-SO. à l’origine de l’initiative: l’intuition de Renaud Capuçon, professeur de violon à l’HEMU, soliste et chambriste français de renommée internationale. Cet ancien élève de Veda Reynolds est persuadé que la pédagogie de sa professeure avait eu «une influence déterminante» sur sa carrière de virtuose et d’enseignant. La recherche a donc visé à redécouvrir la pratique pédagogique de l’artiste américaine, non pas sur la base des traces écrites ou audiovisuelles qu’elle aurait laissées, mais en étudiant l’enseignement de ses anciens élèves. Mené entre 2016 et 2018, ce projet a été dirigé par Angelika Güsewell, responsable de la recherche à l’HEMU.

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Veda Reynolds (à g.) a été le premier violon du Philharmonia String Quartet de 1962 à 1975. Basée à Philadelphie et à Seattle, cette formation a produit de nombreux enregistrements et donné des concerts aux états-Unis et en Europe. © collection privée Veda Reynolds / droits réservés

«Nous avons recueilli les témoignages croisés de sept professeurs de violon, dont Renaud Capuçon, tous anciens élèves de Veda Reynolds, explique Pascal Terrien, professeur en didactique des arts à Aix-Marseille Université et coresponsable du projet. Afin d’identifier les caractéristiques de la pédagogie de Veda Reynolds, il nous a fallu distinguer les gestes d’une pédagogie du violon partagée par l’ensemble des professeurs de violon de ceux qui étaient propres à l’artiste américaine.» La récolte de données s’est faite à partir d’entretiens avec ces professeurs à propos de leurs souvenirs de leurs leçons avec Veda Reynolds, de captations vidéo de cours qu’ils ont dispensés, des entretiens d’autoconfrontation durant lesquels ils commentent leur pédagogie, ainsi que de discussions entre eux sur l’enseignement du violon. Un fonds d’archives contenant des partitions annotées, des photographies, des articles, des programmes et autres documents biographiques, ainsi que des contacts avec le Curtis Institute de Philadelphie – où Veda Reynolds a été élève, puis professeure – ont également été utilisés pour le travail de recherche.

Il est ressorti de l’enquête que la violoniste savait s’adapter à chacun de ses élèves. «Sa méthode était fondée sur l’adaptabilité. Elle allait beaucoup plus loin que la plupart des enseignants de musique. Ses cours pouvaient durer toute une matinée. C’était une passionnée, qui a formé de grands pédagogues», affirme Pascal Terrien, ajoutant que son enseignement du violon était toujours rattaché à l’intention musicale: «Chaque geste pédagogique était lié au désir musical.» Veda Reynolds était à la recherche d’un geste artistique efficace, tout en créant un climat de confiance entre son élève et elle, ainsi qu’entre celui-ci et son instrument. «Elle portait son attention sur la posture du violoniste dans ses plus infimes détails, l’équilibre permettant à l’élève de prendre possession de son corps et de l’instrument.»

Ce travail de mémoire, un bel hommage à la musicienne, s’est aussi révélé novateur. «Ce champ de recherche est tout à fait récent et comprend des dimensions tant anthropologiques, psychologiques que kinesthésiques, poursuit Pascal Terrien. à ma connaissance, il s’agit de la seule étude du genre sur la pédagogie de la transmission. Nous avons eu des discussions fascinantes avec Renaud Capuçon et les musiciens qui se sont saisis de ces questions pédagogiques.»