Le design constitue une précieuse ressource pour les entreprises. Il permet de se focaliser sur les aspects concrets des utilisateurs et des clients. Un concours a été lancé en Suisse romande afin de rapprocher designers et entrepreneurs.

TEXTE | Thomas Pfefferlé

Les meilleures entreprises américaines cotées en bourse telles que Ford, Apple, ou encore Walmart ont un point commun. Elles ont développé leur activité autour d’un axe central: le design. Une stratégie qui peine à s’imposer au sein du tissu économique suisse. Ce manque s’explique en raison d’une méconnaissance de la discipline. Souvent associé de façon restrictive à l’esthétique et au style, le design constitue un domaine bien plus vaste. «La principale force du designer réside dans sa capacité à comprendre les utilisateurs et à adopter leur point de vue, souligne Daphna Glaubert, architecte et ancienne chargée de Recherche et développement à la Haute école d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD. Cela permet d’imaginer une solution spécifique qui répond à la problématique d’une entreprise.»

Pour que les PME romandes profitent de ce savoir-faire, les spécialistes en innovation et en design Nathalie Nyffeler et Luc Bergeron, ancien-nes responsables de la filière Master HES-SO Innokick et respectivement professeurs à HEIG-VD et à l’ECAL/école cantonale d’art de Lausanne, ont mis sur pied l’Innovation by Design Challenge fin 2017. Dans le cadre de cet évènement, des entreprises et des designers ont collaboré durant quatre soirées. Ils ont été mis en relation en fonction de leurs compétences spécifiques. L’objectif: réaliser des prototypes ou mettre en place des stratégies concrètes. «L’Innovation by Design Challenge devait permettre, en quelques jours seulement, de démontrer aux PME et start-up de la région qu’investir dans le design peut améliorer la qualité de leurs produits», explique Daphna Glaubert.

Également soutenu par la Ville de Renens, l’EPFL ainsi que par l’association Innovaud, l’évé­nement a donné naissance à des collaborations durables qui se poursuivent aujourd’hui. Il sera reconduit chaque année. L’édition 2017 a permis aux deux projets décrits ci-après de se démarquer: La Fraîche (prix du jury) et Dermosafe (prix public).

Des poissons heureux au sein des entreprises

Décidée à se lancer dans la commercialisation de dispositifs d’aquaponie, la start-up La Fraîche visait les particuliers dans un premier temps. L’aquaponie? Un système qui allie culture de plantes et élevage de poissons. Le principe: l’eau enrichie par les déjections des poissons nourrit les plantes qui, à leur tour, filtrent l’eau avant qu’elle ne retourne dans l’aquarium. Renaud Defrancesco, designer indépendant, et Jérôme Rütsche, co­fondateur du studio Crisp industrial design, ont collaboré pour peaufiner le projet de La Fraîche.

«Quand les designers aident les PME» // www.revuehemispheres.com
Dans le cadre de l’Innovation by Design Challenge, les entreprises Dermosafe (en h.) et La Fraîche (en b.) ont collaboré avec des designers afin d’améliorer leurs produits ou leur communication.

«Après avoir effectué des recherches sur l’aquaponie, nous nous sommes aperçus que les particuliers ne constituaient pas le bon public cible, précise Renaud Defrancesco. Ils sont en effet nombreux à bricoler leur propre système et plusieurs solutions leur sont déjà proposées sur le marché. Nous avons donc réorienté la stratégie de La Fraîche en la focalisant sur les entreprises et les collectivités publiques, qui disposent d’espaces communs et de rencontre intéressants.» L’innovation apportée par les designers consiste en un système modulaire, dont la forme et les dimensions peuvent être choisies, et qui s’adapte aux contraintes spatiales des entreprises. Après avoir réalisé une maquette de démonstration durant l’Innovation by Design Challenge, les designers ont ensuite développé des prototypes. Aujourd’hui, La Fraîche s’apprête à tester ce nouveau produit avec des clients pilotes.

Définir le public d’un nouvel outil médical

L’entreprise lausannoise Dermosafe a développé un outil de détection précoce des cancers de la peau. Mais comment et auprès de qui promouvoir cet appareil? Une pro­blématique à laquelle se sont attaqués les designers Patrício André, cofondateur du collectif Primitive, et Matthieu Pache, fondateur du studio Emiuun.

«Dermosafe souhaitait créer une brochure pour promouvoir son dispositif médical auprès du grand public, précise Patrício André. Nous nous sommes rapidement aperçus que son public cible n’était pas bien identifié et que sa stratégie de communication était floue. Nous avons com­mencé par définir le public à qui devait s’adresser cette brochure avant de mettre en place une stratégie de promotion.»

Aujourd’hui, les designers poursuivent leur collaboration avec Dermosafe en supervisant les différentes étapes de communication autour de son produit. Outre la réalisation d’une brochure destinée au corps médical, le concept mis en place consiste notam­ment en l’organisation d’un évé­­nement gratuit de dépistage des cancers de la peau. Pour les médecins de famille, cela permet de découvrir l’appareil tout en proposant cette prestation à leurs patients. Un système de transmission des informations entre médecins et patients a également été élaboré.